Les aventures absolument tranquilles de Mozzarella (quoiqu'un type a dit : "tout est relatif") entrecoupées d'interludes qui ne sont pas sans contenir une inutilité obscure au profit d'un éphémère et léger divertissement.

vendredi 7 août 2009

Viveuh les vacanceuh, c'est bien plus rigolo

Ca y est. Le compte à rebours était lancé. Désormais, Mozzarella pouvait joyeusement se focaliser sur la perspective des dernières heures. Rien ne pouvait la rendre plus satisfaite. Elle avait bouclé son sac après y avoir entassé quantités de choses inutiles - il était en phase ultime d'explosion. Dans peu de temps, elle serait dans ce train magique pour le Sud, là où l'eau est toute turquoise et où les goélands viennent taper dans le saucisson à midi.
Mozzarella était songeuse : c'était une page de l'été qui se terminait, ce boulot. A présent, d'autres futurs plus ou moins proches se dessinaient. Elle était tout de même bien embêtée à l'idée de partir alors que Gaston de la Narcolepsie se trouvait dans un état pitoyable. Elle était allée, la veille, sonner chez lui. Il n'avait pas ouvert, mais elle l'entendait faire des incantations lumineuses depuis sa salle de bain - à en croire le bruit de la douche, à moins qu'il n'eût branché un tuyau sur le robinet de la cuisine, auquel cas l'appartement devait être, à l'heure actuelle, une épave.
Mozzarella culpabilisait un peu, car elle s'en était allée au bout d'une heure trente seulement de sonnette intempestive, mais dans le fond, elle pouvait toujours envoyer Don Superhéro en mission commando - ce serait le baptême de ses superpouvoirs. Plus elle réfléchissait, plus elle trouvait Don Superhéro sacrément culotté, tout de même, le saligaud, de ne pas faire davantage cas de la délicate situation de Gaston. La théorie de la relativité avait des limites. Il fallait aussi puiser un peu dans son humanité, à un moment donné. Laisser faire les choses autour de soi, c'est bien beau, mais on finit par devenir pire que crétin quand cette ligne de conduite est poussée à l'extrême, et que la seule chose qui susbiste est une part hallucinante d'égoïsme.
Mozzarella songeait à écrire au Dalaï Lama pour protester contre le manque d'altruisme de ses congénères, et demander des petits conseils bien pratiques. Mais elle savait qu'il était très occupé avec des affaires autrement importantes que ses états d'âme, alors elle laissa tomber. De toute façon, avec les vacances, le courrier mettait toujours trop de temps à arriver. D'ici un ou deux mois, on ne savait pas ce qu'il pouvait se passer. Peut-être que Mickey et Minnie annonceraient publiquement leur divorce dans la presse people, ou alors que le scandale de la paëlla Marie éclaterait au grand jour, rapport à son concentré de bouffe dégueulasse.
Allez, les vacances étaient proches! Ils suffisait d'entrebailler à peine la porte pour voir les pâtés de sable s'aligner sur la plage, les pins parasols se courber sous le vent, les vagues heurter gentiment la coque des bateaux, le soleil se coucher derrière les dunes, les soixantenaires frippés se faire norcir les fesses et le DJ du village brailler dans son micro jusqu'à plus de voix. Tout était un seul et même décor, qu'il fallait prendre entier, sans réfléchir. C'était ça, les vacances. Youpi!


jeudi 6 août 2009

Citrouille mécanique

Mozzarella avait la tête creuse, comme une citrouille évidée. On aurait pu y mettre plein de choses, dans sa tête, et secouer très fort pour que ça se remue un peu, là-dedans, qu'il y ait quelque chose qui s'émousse, mais rien. Le néant absolu. Tout glissait sur son esprit comme un canoë sur un lac paisible, et encore, d'après toutes ces histoires de physique qu'on nous pond au bahut, le canoë devait sentir une certaine résistance sur l'eau, qui le freinait légèrement dans sa course.
Mozzarella prit son téléphone. Elle pensait appeler Don Superhéro, mais se ravisa au dernier moment et composa en premier lieu le numéro de Gaston de la Narcolepsie. Ca sonna longtemps ; Mozzarella allait raccrocher quand une voix furibonde se fit entendre:
" - Oui, allô? Qu'est-ce qu'il y a encore? Qui est mort? C'est vraiment une heure pour appeler les gens vous croyez, ça! 15 heures de l'après-midi! Aucun sens de l'éducation! 'Vous enverrais en tôle pour moins que ça tiens! Tapage diurne, comme motif! Irrécupérable ! Alors, quoi? C'est pour me faire de la pub pour des sushis que vous appelez? Ou pour me vendre des rouleaux de p-cul à prix d'usine? Je vous vois venir, avec vos slogans débiles! Mais je cède pas, moi! Je suis conscient de cette société pourrie dans laquelle croupissent les naïfs! Vous verrez, vous verrez, allez-y, demandez-moi n'importe quoi, dites-moi un seul mot, un seul, et je vous moucherai comme un môme!"
Mozzarella, abasourdie par tant d'excitation, tenta timidement quelques mots :
" - Gaston? C'est moi, Mozzarella... je vous dérange, peut-être?"
Il y eut un long silence au bout du fil. Puis la voix se râcla la gorge, et dit :
" - Ah, Mozza, excusez-moi, je suis un peu à cran en ce moment. On n'arrête pas de me téléphoner depuis que je ne suis plus sur liste rouge, c'est infernal tous ces types qui démarchent. Et puis, je prends un médicament révolutionnaire contre le sommeil, qui me met bien la pêche...je n'ai pas dormi depuis trois jours. Enfin, ce truc est incroyable, je pète le feu! Je fais des tas de choses, à toute heure du jour et de la nuit! C'est fan-tas-tique! D'ailleurs, je suis tellement dynamique que je vais devoir vous laisser, il faut que je fonce m'en acheter! Au revoir!"
Tut, tut... Mozzarella fronça les sourcils. Elle n'avait jamais connu Gaston de la Narcolepsie dans cet état. "Mais qu'est-ce qu'il peut bien prendre? Il faut que j'appelle Don Superhéro, sans doute m'éclairera-t-il davantage..."
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ca sonna à peine deux secondes, et un Don Superhéro morne décrocha :
" -Allôôôôô?
- Rha, Don Superhéro, ça alors, qu'est-ce que je suis contente de vous entendre! Figurez-vous que...
- Ah Mozza, c'est terrible, terrible, je n'en peux plus. Je suis plongé dans le manuel de superpouvoirs H24, et je n'en suis qu'au 2e chapitre sur 58, ça n'en finit plus. Je crois que je vais mouriiiiir...
- Enfin, Don Superhéro, ne dites pas de bêtises. Vous êtes un garçon en parfaite santé, d'une intelligence tout à fait louable, alors, un peu de cran! Regardez tout ce voyage que j'ai fait pour vous retrouver et vous ramenez à la réalité! Prenez-en de la graine, mon vieux!
- Je sais, je sais...
- Dites-moi, vous avez eu Gaston récemment au téléphone? Il a l'air de ne pas tourner bien rond, comme dit l'autre..."
Don Superhéro soupira.
"- Ah, vous avez remarqué. D'un côté, c'est vrai qu'il faut pas être sorti de Saint-Cyr pour s'en apercevoir... Ce dingue prend de l'exta.
- Je vous demande pardon?
- Il trouve ça révolutionnaire. Il me téléphone deux cents fois par jour et raccroche invariablement au bout de 10 secondes de communication. Il me fatigue.
- Et c'est tout l'effet que ça vous fait?
- Non, croyez-moi Mozza, je suis épuisé par son attitude et...
- J'entends bien. Mais lui? Vous y avez pensé, un peu? Vous ne vous rendez pas compte! C'est très grave!
- Eh bien, docteur, allez le voir, si vous pensez pouvoir faire quelque chose. Moi, je m'en retourne à mon manuel.
- Et comment que je vais le voir! Vous êtes encore plus fou que lui!"
Mozzarella raccrocha précipitamment, et sortit de chez elle en courant.
Don Superhéro soupira, et se remit à sa lecture, chapitre 2, paragraphe 45, ligne 12. Ce soir, il irait manger une pizza pour se consoler.


mercredi 5 août 2009

Si par une nuit d'été un cambrioleur

Mozzarella était sur le point de faire une tachycardie aigue. Comment c'était arrivé, elle n'en savait trop rien. Un type louche était venu tambouriner à sa porte ; elle n'osait pas ouvrir. Elle était allée chercher le fusil de tonton Jacob, planqué dans le placard des toilettes, et s'était postée à un endroit stratégique, de telle sorte qu'en admettant que le foldingo puisse s'introduire chez elle, elle pouvait le menacer par surprise en pointant l'arme à très exactement 50 cm de son menton. Là, il lèverait les mains en l'air, et dirait certainement que c'était juste une blague, qu'il ne comptait pas faire quoique ce soit d'illégal, qu'il faisait partie du groupe de sécurité qui testait les moyens défensifs des locataires. "Tss tss", ferait Mozzarella. Comme dirait Donald : "Et mon cul, c'est du poulet." Elle décrocherait alors le téléphone pour prévenir la police, le fusil toujours pointé sur le bougre, et quelques minutes plus tard, il partirait menotté tandis que le lieutenant-chef de la Policeuh Municipaleuh lui témoignerait sa plus grande admiration - rapport à l'efficacité de sa démarche.
Cependant, il se produisit un schéma scénique dont la différence avec celui sus-donné réside en un petit incident fatal pour le déroulement du plan. Tandis que Mozzarella attendait en tremblant avec son fusil, elle vit tout à coup la porte s'entrouvrir, puis une main apparaître, et enfin une tête. Mozzarella remercia le hasard que cette tête fût tournée de l'autre côté et ne la vît pas. Elle se leva alors brusquement, et cria, avec le peu de courage qui lui restait : "Halte là, mon vieux! On ne passe pas!". Le type louche sursauta, et se retourna. Mozzarella pointait fièrement son fusil sur lui. Tout aurait pu marcher correctement, si elle n'avait eu envie d'éternuer à ce moment-là, incroyable manque de bol qui permit au voleur de s'éclipser et de fuir les lieux en dévalant la cage d'escaliers.
Mozzarella hurlait : "Au voleur, à l'assassin!" , mais personne ne semblait faire cas de ses appels incessants. Elle finit par aller se coucher, puisqu'il était près de deux heures du matin, et s'endormit, le fusil de tonton Jacob blotti contre elle.

Le clairon fut sonné beaucoup trop tôt, le lendemain. Encore un cambrioleur qui avait dû dérégler le parfait système d'alarmes que Mozzarella avait mis en place, et qui consistait ni plus ni moins en la méthodique succession de trois sonneries différentes, à heures-clés. Mozzarella ronchonna : "Si je retrouve l'imbécile qui a monté ce coup fumant, je lui fais gober sa lampe frontale."
Tout se préparant, elle réfléchissait. Gaston de la Narcolepsie n'avait pas donné de nouvelles, et Don Superhéro devait projeter de s'enterrer quelque part entre le Pakistan et les Etats-Unis. La France avait l'air de trop le déranger pour qu'il puisse y rester davantage. "Je suis sûre qu'il est en train de se faire la malle. Il faut que je lui passe un coup de fil, il est peut-être encore temps."
Elle rangea le fusil de tonton Jacob aux chiottes, et claqua la porte en partant.


mardi 4 août 2009

Ôde à Murphy... Mozzacata

Mozzarella rentra chez elle. A force de rester assise toute la journée, elle sentait ses jambes se traîner lourdement comme deux merguez pas cuites. Bien sûr, il aurait été d'une fine intelligence de pratiquer quelque activité sportive, mais il était 18 heures, et Mozzarella se sentait d'humeur flemmarde ; elle haussa les épaules et ouvrit le frigo. Triste décor : à part une carotte moisie et une part de pizza fadasse, plus rien ne subsistait.
C'est là que se produisit un évènement dont on peut largement supposer qu'il appartient à la case "extraordinaire" dans la vie de Mozzarella : elle se résolut à aller faire les courses. Si cette décision semble, pour toute personne normalement constituée, ne pas avoir de réelle valeur intrinsèque, tant par la fréquence de sa répétition que par sa banalité, elle touchait une catégorie bien précise de trolls mongoloïdes dont Mozzarella faisait partie, et qui hissaient cette seule volonté au rang de l'exploit, voire de l'au-delà du possible. Et c'est ainsi que, pleine d'une énergie qu'elle savait fugitive, Mozzarella prit son petit panier et sautilla en mode schtroumphette jusqu'au supermarché le plus proche. Hélas, il existe des désillusions ; celle qui suit en est un parfait exemple.
Quelque part, on peut dire que le Pepsi est au Coca Cola ce que les rayons alimentaires furent à Mozzarella : un gros bullshit. Sans repères dans les immensités de la grande distribution, abrutie, elle se mit à zoner entre les produits laitiers et les sacs poubelle, les oeufs bio et le papier toilette, les surgelés et le dentifrice. Ses yeux s'embrouillaient entre sa liste et les étalages, où se reproduisaient comme des cochons tous les produits alignés en tentations infinies. Elle prit les articles en quadruple, bouscula une mamie et son chien, renversa trois piles de yaourts, glissa sur une banane égarée, s'écrasa sur le type de la sécurité et pour finir, se rua sans réfléchir sur la caisse où s'étendait la plus conséquente masse de caddies.
Mozzarella se demanda si elle devait pleurer. Mais Grand-Maman lui avait confirmé que la dignité était nécessaire à la survie de l'espèce humaine. Mozzarella respira alors un grand coup, pleine d'un dernier optimisme candide - et stupide - et rentra chez elle avec de jolies pensées fleuries dans la tête.
La journée se serait peut-être mieux terminée que prévu, si le sac en plastique qui contenait le vin n'avait rendu l'âme devant la porte, et si les bouteilles ne s'étaient pas, par conséquent, lamentablement explosées sur le sol, emportant dans leur fracas les derniers élans positifs de Mozza.
Allez, c'était toujours une journée de plus dans le calendrier. Comme dirait l'arrière-grand-oncle du cousin de la bicyclette à Jules : le temps passe, l'éternité s'avance, vous inquiétez pô les mecs.


lundi 3 août 2009

A fireworks, fusées de détresse

Lundi. Retour à la réalité, le fauteuil à roulettes du bureau endort brusquement les derniers souffles de bonheur du week-end. Tout est reparti comme en quarante, monotonie, conflits intérieurs, pensées absurdes, décompte des heures. La perspective est fabuleuse. Heureusement, il y a encore les bouquins, pour sauver Mozzarella de ce quotidien moléculaire, et pour brasser chimiquement dans son cerveau toutes ces phrases imprimées à l'encre noire, jusqu'à ce que sonne la cloche de 17h30.
Mozzarella aurait aimé continuer à marcher dans les rues de Paris, comme quelques heures plus tôt. Regarder passer les gens, les voitures, les scooters, écouter gronder les souterrains, tanguer sur les rues pavées, prendre toujours les mêmes photos de la Seine. Mais au lieu de cela, elle sentait ses jambes s'engourdir, ses yeux se fermer. Tout était si vide!
Il fallait activer l'esprit. Mais rien ne venait vraiment. Si Mozzarella avait rencontré le docteur Glückenstein, dont on connaît la profondeur d'esprit et la finesse légendaire, peut-être qu'elle aurait encore pu amorcer quelques idées. < Voyez-vous, docteur, quand je mange ma tartine de beurre et que les miettes tombent avec un petit crépitement dans mon assiette, cela m'exaspère, tout comme le chat de la voisine qui est revenu chasser le moucheron sur mon balcon l'autre soir. L'imbécile, il miaulait à minuit. De quoi rendre cinglés les poissons rouges de grand-maman. Et puis il y a l'alcoolique du 18e étage, qui balance encore son slip par la fenêtre quand il est en colère. J'aurais aimé l'aider, mais il s'enferme toujours en chantant du Aznavour à tue-tête, c'est tout bonnement impossible de lui parler. Et l'autre folle qui est venue me sonner hier soir, parce que la lumière de ma chambre était éclairée et qu'elle avait peur que j'engraisse EDF. Mais ce sont surtout ces tartines qui m'inquiètent. C'est à chaque fois la même chose, c'est lorsqu'on s'y attend le moins que la cassure fatale survient, ça vous prend au coeur, c'est comme si on avait brisé quelque chose dans l'intimité de votre petit déjeuner. Je vous assure, n'y voyez pas là un discours de névrosée. Entre nous, à la limite, je préfèrerais encore finir psychotique. Là au moins, je n'aurais pas conscience de mon cas. C'est tellement agaçant, docteur, d'être plantée au boulot durant 8 heures avec un ordinateur pour discuter de la pluie et du beau temps. Je ne sais pas vous, mais moi j'en ai des palpitations. Tenez, ça fait un peu la même impression que les carottes trop cuites : ca éveille une colère maladive, parce qu'on sait qu'on passe à côté d'un truc incroyable. Sauf si bien sûr, on croit à la destinée. Mais enfin, ça c'est un autre problème. Je songeais à écrire un petit traité sur les pâtes fraîches. Qu'en pensez-vous, docteur? En ce qui concerne la carbonara, quoi de plus fascinant qu'une extrapolation dans le domaine du narcissime? Bien sûr, vous vous dites que je ne suis pas lucide. Mais ne pensez-vous pas que c'est par l'absurdité poussée à son paroxysme que tout s'éclaire? N'est-ce pas dans le noir complet qu'on voit de grands flashes de lumières? Ah, je vous entends déjà répondre : des flashes, jamais rien que des flashes, aucun éclairage continu... oui, c'est vrai, mais c'est toujours ça. L'humain ne peut pas être clairvoyant en permanence, sa courbe de lucidité est fonction de son état d'esprit. Comment, vous ignoriez ça, docteur? On vous aurait menti sur le divin? Ou sur le divan? Ne vous en faites pas, il paraît qu'on en apprend à tous les âges. Vous savez, quand on a découvert que la terre était ronde, il devait y en avoir pas mal qui frôlaient la quarantaine. Vous me direz, quarante ans, c'est peu, mais pour l'époque... ils ne devaient pas en mener large. Bon, ça suffit. Je m'en retourne à mes moutons. N'oubliez pas d'épousseter ma chaise quand je serai partie, il paraît que la thérapie extrait de notre cerveau des émotions bien ancestrales qui soulèvent des nuages de poussière. Dommage, je suis allergique. Au revoir, docteur. >