Les aventures absolument tranquilles de Mozzarella (quoiqu'un type a dit : "tout est relatif") entrecoupées d'interludes qui ne sont pas sans contenir une inutilité obscure au profit d'un éphémère et léger divertissement.

mardi 21 avril 2009

Fly together

Le vol, qui était sans aucune escale, se passa plutôt bien. De temps à autre, l’avion subissait quelques secousses, et Gaston de la Narcolepsie faillit bien vomir sur l’indic, qui, à cette idée dégoûtante, devint fou de rage. Le policier dut intervenir une nouvelle fois pour calmer le jeu. Mlle Huguetta, qui trouvait tout cela décidément très drôle, rit une bonne partie du voyage à gorge déployée, ce qui finit par user l’indic – par conséquent ce dernier redoubla d’énervement. Don Superhéro et Mozzarella avaient décidé de ne pas se mêler de tout cela et discutaient avec les Suisses de leurs fouilles dans le désert. Mozzarella avait d’ailleurs fini par comprendre qu’en réalité, le couple avait surtout décidé de prendre des vacances en se rendant vers les terres de So Easy, et que ses recherches n’étaient qu’un vague prétexte pour répondre à l’appel du transat. Don Superhéro posa beaucoup de questions quant aux précédentes découvertes des Suisses. Le Suisse raconta qu’ils avaient trouvé il y a deux ans le presse-papier en or massif de Toutankhamon, lorsqu’ils s’étaient jetés à corps perdu dans un tombeau inexploré. Mozzarella se dit que les Suisses étaient décidément des flambeurs, et tourna la tête pour regarder le ciel et les nuages à travers un hublot de l’avion.
Tous finirent par s’endormir. Ce fut l’atterrissage chaotique qui les réveilla. Gaston de la Narcolepsie rejeta toute forme d’athéisme et fit sa dernière prière. L’indic enveloppa Mlle Huguetta de ses bras solides, espérant amortir un choc trop violent. Mozzarella et Don Superhéro s’allongèrent à plat ventre sur le sol. Enfin les Suisses, dans des gestes précis et dynamiques, sortirent tout un attirail de protection, tel que maxi Airbag et masque respiratoire.
Finalement, tout se passa bien. Le commandant de bord avait juste un peu forcé sur le rhum de quinze heures, semblait-il, mais il maîtrisait parfaitement la situation. L’avion s’arrêta tranquillement et tous sortirent sains et saufs de l’engin.
Ils furent alors accueillis par des séries de flashes et d’acclamations délirantes. Des dizaines de journalistes s’étaient rués devant l’escalier pour immortaliser le retour triomphal des baroudeurs du désert. L’un d’entre eux, veste à carreaux et chapeau de feutre, s’avança près d’eux jusqu’à ce qu’il puisse leur glisser son micro sous le nez et leur poser une multitude de questions, que personne ne parvenait à entendre. La plus blonde des hôtesses de l’air le fit reculer péniblement jusqu’à ses petits camarades.
Mozzarella, rouge de rage, lança à Gaston de la Narcolepsie un regard accusateur, auquel il répondit par une tête piquant vers le sol. Mozzarella s’écria: « C’est vous qui avez eut l’idée géniale de prévenir les journalistes ? Au nom de quoi, en plus ? De l’arrivée d’un héros qui n’est même pas capable d’exploiter le moindre de ses pouvoirs, faute d’avoir utilisé son manuel correctement ? Ah, mais elle est belle, la victoire, mon vieux ! C’est moi qui vous le dit, le discours vous revient ! Libre à vous d’expliquer quoi que ce soit au sujet de Don Superhéro de mes fesses, moi, je rentre chez moi ! » Puis elle se tourna vers les journalistes et hurla pour qu’on l’entende : « Messieurs, nous voici de retour d’un beau voyage. Les personnes ici présentes, Gaston de la Narcolepsie, et Don Superhéro, se feront un plaisir de répondre à toutes vos questions. » Tous se ruèrent alors vers les principaux concernés, et Mozzarella se glissa dans la foule pour se frayer un passage. Elle salua de loin les Suisses, l’indic, le policier et Mlle Huguetta, qui lui rendirent son signe. De toute façon, ils s’étaient échangé leurs coordonnées, ils s’appelleraient pour une bouffe. Pour le moment, Mozzarella n’aspirait qu’à une chose, rentrer à la maison. Ah, que la vie était douce maintenant !


jeudi 9 avril 2009

A jurons déplacés Nutella renversé

Ils s’étaient tous levés au petit matin. Bien sûr, Gaston de la Narcolepsie et l’indic avaient failli s’étriper pour une barre de céréales, dont chacun revendiquait la propriété. Finalement, pour calmer le jeu, le flic avait décrété que la barre lui appartenait, et l’avait mangé sous leurs yeux ahuris. Les Suisses, envahis par un souffle de générosité, avaient alors donné aux deux affamés des compotes Andros et une boîte de Pim’s à la fraise, qu’ils s’étaient empressés d’engloutir sauvagement. Enfin, tout le monde s’était remis en route. Les Suisses suivaient minutieusement leur boussole, qui du reste était quelque peu particulière, parce que très sophistiquée. Ainsi, elle pouvait tour à tour servir de poste radio, de rayon laser, de montre, de réveil, et de talkie-walkie (en admettant qu’il y ait DEUX boussoles, ce qui n’était malheureusement pas le cas, et à fortiori complètement inutile).
Quand le soleil fut au zénith, les Suisses dirent en chœur : « Voilà, nous y sommes presque. » Mozzarella partit dans un grand éclat de rire, parce qu’il n’y avait précisément rien qui puisse signaler une quelconque arrivée. A part les éternelles dunes de sable, qu’elle ne pouvait plus voir en peinture, tout était vide. Les Suisses se tournèrent vers Mozzarella, un peu vexés, et répétèrent en chœur : « Mais si, voilà, nous y sommes presque ! » La Suissesse ajouta : « C’est par ici qu’on vient nous chercher. L’avion doit se poser d’ici une heure. Nous avons tout juste le temps de casser la croûte. » Mozzarella se dit qu’elle s’était vraiment fait rouler dans la farine. Ils avaient quitté la terre de So Easy la veille, et ils se retrouvaient déjà vers l’endroit où ils avaient atterri au début de l’aventure. Elle regarda Don Superhéro et dit avec colère : « Hé dites donc, vous avez intérêt à lire le manuel de vos superpouvoirs dans l’avion, vous, hein ! Sinon vous allez voir, quand on rentrera, de quel bois je me chauffe ! » Don Superhéro, qui ne comprenait pas l’énervement soudain de Mozzarella, secoua la main vers sa tempe en lançant un regard interrogateur à l’indic, qui haussa les épaules. Il semblait davantage préoccupé par le cas de Mlle Huguetta, dont la principale activité du moment était de fredonner des airs de Joe Dassin en se recoiffant devant un miroir de poche.
Ils déjeunèrent en aventuriers – le repas s’était limité à quelques gaufres que l’indic avait volées dans un « point alimentation » de So Easy. Elles étaient un peu molles et Gaston de la Narcolepsie râla pendant plusieurs minutes. Comme il ne se taisait pas, Don Superhéro finit par lui renverser une partie du pot de Nutella sur la tête, acte qui fit bondir les Suisses de rage et de désespoir, offusqués par tant de gaspillage, surtout que c’était tout de même du Nutella, et que le Nutella, ça ne se laisse pas traiter comme ça, et puis quoi, la maîtresse d’école n’avait-elle donc pas enseigné les rudiments des bonnes manières, qu’est-ce que c’était que cette éducation scandaleuse en France, et qui plus est, ces grossièretés étaient nées de la génération précédente, de celle qui se devait de cultiver encore quelque art du raffinement, alors que non, définitivement, non, ces bons vieux quadra, quinqua, s’inscrivaient déjà en marge du système, et nourrissaient et transmettaient des exemples comportementaux absolument scandaleux…
Gaston de la Narcolepsie abdiqua. Don Superhéro aussi. De toute façon, l’avion allait arriver, on entendait le moteur gronder au loin. A moins que ce ne soit un orage. Ah non, tiens, il faisait beau.
Effectivement, ils finirent par apercevoir l’engin dans le ciel. Tous sautillèrent gaiement en faisant de grands signes. Seulement, ils se fatiguèrent vite, car l’avion mit environ trois quarts d’heure à atterrir, suivant un mouvement de spirale infinie. Il fut accueilli dans le sable par des applaudissements rassurés. Tous embarquèrent vite. L’avion décolla comme une fusée. C’était chouette.


mercredi 1 avril 2009

Baby come back

Finalement, la soirée fut très sympathique. Mlle Huguetta, après quinze cocktails, roulait sous la table ; l’indic en avait d’ailleurs profité pour l’embrasser fougueusement avant qu’elle ne régurgite. Le policier s’était entiché d’une So Easy Girl blonde et pulpeuse, les Suisses avaient joyeusement participé à une farandole, Gaston de la Narcolepsie relançait des culs secs avec White Spirit, et Mozzarella et Don Superhéro avaient inlassablement dansé des rocks argentins. Il était très tard. L’aube arrivait. Tous décidèrent d’aller se reposer quelques heures avant de repartir – à l’exception de White Spirit, titubant, qui cherchait un kebab ouvert, et qui se réjouissait à l’idée de son séjour, et Mlle Huguetta, qui se trouvait dans la totale incapacité de parler.
Tous dormirent chez les Suisses ; ils avaient une très grande hutte jaune, avec des lits superposés un peu partout, ce qui était très pratique. La nuit fut courte. Le lendemain, le policier siffla le réveil, et tout le monde se mit au garde à vous. Seul White Spirit ronflait encore. Il y eut un grand débat pour savoir ce qu’il fallait faire de lui. L’indic conseillait de le laisser dormir. D’un autre côté, il fallait que la hutte soit libérée pour le soleil au zénith, et White Spirit se ferait alors réveiller par des inconnus, ce qui serait désagréable. Mlle Huguetta tenta de le secouer doucement, en lui parlant avec tendresse, chose que l’indic prit très mal. Finalement, le policier et Don Superhéro se mirent d’accord pour porter le soulard jusqu’à la hutte rose. White Spirit grogna un peu dans son sommeil lorsqu’il se fit ballotter dans tous les sens, mais il s’abandonna vite à un coma profond. La Suissesse sortit un carnet de sa poche, et en arracha une feuille. Tous lui écrirent un gentil mot d’au revoir, signèrent, puis fermèrent délicatement la porte.
Le village était encore calme. On sentait monter de la terre l’effervescence d’un nouveau jour, et les Suisses dirent qu’il ne fallait pas tarder. Ils ouvrirent la marche. Gaston de la Narcolepsie suivit, secondé par le policier. L’indic prit le pas un peu plus loin derrière, tenant par la main une Mlle Huguetta nonchalante. Mozzarella se cala sur leur rythme. Don Superhéro ferma la file. A la sortie du village, les Suisses montrèrent la direction à suivre, et tout le monde regarda au loin le vide du désert en hochant la tête sans trop savoir pourquoi. Il faisait déjà très chaud, et Mlle Huguetta se plaignait de vertiges. Elle se tourna une dernière fois vers le village, et dit : « Au revoir, chère terre de So Easy. C’était chouette. Bye bye love… » L’indic eut un tour de sang – puis il réalisa qu’il ne fallait pas être jaloux d’un village, et se calma.
Ils marchèrent d’un pas régulier, un certain temps. Au départ, l’ordre de file fut strictement respecté. Puis Mlle Huguetta recommença à courir de manière aléatoire, comme à son habitude, et brisa la chaîne. L’indic aussi, puisqu’il s’était mis à la poursuivre. Du coup, Gaston de la Narcolepsie s’était arrêté pour attendre Don Superhéro et parler superpouvoirs, ce qui avait poussé Mozzarella à remonter jusqu’aux Suisses et à les questionner sur leurs recherches aux points mentionnés au début de leur rencontre (« Alors, ça a donné quoi, vos fouilles ? »). Le policier s’était, il faut bien le dire, retrouvé tout seul comme un imbécile. Mais il s’en fichait, parce que, rêveur, il repensait à la blonde pulpeuse de la nuit dernière, et repassait en boucle dans sa tête les images de sa chevelure à paillettes qui virevoltait sous les projecteurs et les cocotiers.
A la tombée de la nuit, les Suisses, très organisés, sortirent de leur sac à dos une mini pochette, qu’ils jetèrent au loin, d’un petit coup sec. Aussitôt, une immense tente se déplia – qui ressemblait davantage à un chapiteau qu’à une tente, d’ailleurs. Mozzarella n’en revenait pas : « Mais, mais c’est fantastique, dites donc, votre petite merveille ! C’est comme dans la pub ! Je veux la même, et Mary Poppins comme fournisseuse officielle, et des Bounty aussi ! » Tous s’installèrent avec enthousiasme dans la tente-chapiteau. Tous se souhaitèrent la bonne nuit très gaiement, après avoir avalé une purée de pois cassés. « Bonne nuit, les Suisses. » « Bonne nuit Mozza. » « Bonne nuit, Gaston. » « A vous aussi, l’indic. » « Bonne nuit, le policier. » « Oui, c’est ça, bonne nuit, Don Superhéro. » « J’ai rien dit. » « Heu, je veux dire, le Suisse. » « Ah non, ça ce n’était pas moi. » « Ah, alors bonne nuit, l’indic. » « Quoi ?. » « Quelqu’un se fout de ma gueule ? » « Non, bien sûr que non. Détendez-vous, quoi. » « Bonne nuiiiiiiiit. » « Ca, c’est Mlle Huguetta. » « Non, c’était Mozzarella, je me suis fait piquer par une guêpe. » « Y en a pas. » « Bon, bref, bonne nuit. » « Oui, hein. » « Oui. » « … » « Zzzzzz » « Qui ronfle ? » « Oh, bonne nuit à la fin, vous allez nous casser les pieds jusqu'à quand ?. »